Securising, repairing, resisting. Multidimensional issues of emancipation in social and solidarity economy organisations

La présence des femmes dans les organisations d’économie sociale et solidaire (OESS) en France est bien documentée. Elle est marquée à la fois par leur « surreprésentation » (y compris dans les postes à... [ view full abstract ]

La présence des femmes dans les organisations d’économie sociale et solidaire (OESS) en France est bien documentée. Elle est marquée à la fois par leur « surreprésentation » (y compris dans les postes à responsabilité), par des emplois à temps partiel, un niveau de rémunération moins élevé ou encore la sexuation des tâches (Tchernonog, 2007, INSEE 2010, Braley, 2011, Dussuet et Flahaut, 2012). Dussuet et Flahault (2012) avancent l’hypothèse que ces caractéristiques sont nécessaires à la « soutenabilité (économique) du secteur associatif ». Nombre d’autres travaux montrent que le genre est une variable incontournable du fonctionnement des OESS (Hersant 2012, Hillenkamp et Guérin, 2014) et qu’il y joue une pièce subtile. Au sein de ces organisations, marquées par leur finalité sociale et par leur insertion dans un mouvement se réclamant généralement de l’égalité et de la solidarité, les acteur·trice·s –et en premier lieu les salarié·e·s - se trouveraient finalement piégés par un système de genre oeuvrant précisément à travers des pratiques concrètes à rebours de ces idéaux.

Il ne faudrait pas s’en tenir au constat ainsi formulé cependant. Comme dans toute organisation, des marges de manœuvre existent et les acteur·trice·s s’en saisissent pour résister et innover. S’insérer dans l’ESS pourrait même déjà en soi constituer un acte de résistance (ou un refuge) au genre hostile du marché du travail, du capitalisme et de la mondialisation. L’objectif de cet article n’est pas de mesurer l’égalité des sexes au sein de l’ESS ni d’apporter une interprétation à la surreprésentation des femmes. Ce travail essentiel est en cours par ailleurs (Oddendahl 1994, Pilcher 1999, Hakim 2000, Guérin 2003, 2007, Themudo 2009, Teasdale, S., McKay, S., Phillimore, J., and Teasdale, N., 2011). Il s’agit plutôt de proposer une réflexion sur les enjeux d’émancipation multiples pour les femmes qui traversent indéniablement les OESS et, en particulier, l’émancipation par rapport à l’hégémonie du marché. Nous partirons du paradoxe évoqué ci-dessus : le genre joue à rebours de l’égalité des sexes au sein des OESS mais ces dernières constituent bien des lieux de résistance et d’émancipation du genre « global » hostile sur le marché du travail, l’espace public etc…. Dans une premier temps, l’idée est de positionner le débat au croisement du féminisme et de la socio-économie. Il s’agira de relire la théorie des économistes féministes à partir de sa réflexion sur la capacité de l’Etat et du marché à émanciper les femmes (section 1) et d’en imaginer le prolongement à travers l’ESS (section 2). Nous mettrons ensuite le terrain de l’ESS à l’épreuve en tentant de comprendre comment ces enjeux sont formulés et s’ils structurent les pratiques des acteurs·trices. Nous verrons comment les OESS, à bien des égards, sont considérées comme étant des lieux qui offrent des perspectives –limitées et genrées- de sécurité et de reconnaissance que le secteur capitaliste ou l’Etat n’offre pas ou plus (section 3) et d’où il est possible de « résister », sans que soit nécessairement identifié l’« ennemi principal » (Delphy, 1999) à l’émancipation (section 4).

Il s'agit d'une publication issue du projet de recherche “If not for profit for what? And how?” (2012-2017, Interuniversity Attraction Pole financed by the Belgian Research Policy). L’article est théorique et empirique. 8 Etudes de cas ont été menées en Ile de France entre janvier et juin 2014. Une première version de l’article a été présentée au colloque "Homo oeconomicus, mulier solidaria" Une économie solidaire peut-elle être féministe » ? (colloque IHEID-IRD, Genève, 16-17 octobre 2014) et au séminaire Arpège: “Les outils du genre”, Entre marché et réciprocité, une lecture féministe de l’analyse polanyienne” (Université de Toulouse, 27 janvier 2015). Une publication est en cours: Saussey, M. et F. Degavre. 2015.

Sécuriser l'existence des femmes et résister. Raisons d'agir des initiateurs et initiatrices d'Organisations de l'Economie Sociale et Solidaire . In "Homo œconomicus, mulier solidaria". Une économie solidaire peut-elle être féministe ? (Dir.) C. Verschuur, I. Guérin et I. Hillenkamp, Collection Yvonne Preiswerk. Actes des colloques genre et développement. Paris : L’Harmattan (sous presse).