Thematic line : 3. Governance, employment and human resource management
Identifiés et étudiés comme relevant de "l'entreprenariat social", des collectifs s'agrègent avec l'intention de peser dans l'évolution de la société, en ménageant une alternative au "tout marchant", par l'expérimentation de mécanismes économiques basés sur la réciprocité et le partage. Ces collectifs cherchent pour la plupart à favoriser une dimension "collective" de leur gouvernance (Nyssens and Defourny, 2016), mais leurs particularités font de celle-ci une problématique complexe (Meier and Schier, 2009) : pluralité des acteurs avec des légitimités différentes qui donne une organisation du pouvoir complexe ; instabilité et management difficile des collectifs (problématique de l’engagement bénévole) ; déficits de compétences en gouvernance ; tensions entre les versants politique et opérationnel de la gouvernance, notamment du fait de dissymétries d’information ; forte interaction avec l’environnement nécessitant des ajustements constants ; hybridation des ressources ; etc… Cette complexité des facteurs agissant sur la gouvernance peuvent peser fortement sur le bon déroulement du collectif comme le faire dériver de son fonctionnement et objectif initial (Angel and Hermans, 2016).
Ces facteurs placent ces organisations dans une tension entre d’une part l’application d’une gouvernance collective avec un fonctionnement décisionnel et opérationnel délibératif long et d’autre part la recherche d’efficacité dans l’action avec la désignation de responsables individuels pour le management et la conduite de projet. Dans leur intention d’innovation sociale et dans une méfiance vis-à-vis des dispositions classiques de gouvernance du monde socio-économique, ces collectifs cherchent à trouver leurs propres modèles et peinent à y parvenir, en l’absence d’un référentiel « neutre » approprié (i.e., non prescriptif d’un modèle a priori). En effet, les recherches concernant la définition d’un tel référentiel sont rares (Enjolras, 2009), celles-ci s’étant surtout concentrées sur la caractérisation et l’analyse typologique des dispositifs. Il manque un cadre analytique permettant de décrire les situations réelles de gouvernance des entreprises sociales, avec leurs mécanismes sous-jacents.
Pour tenter de répondre à ce besoin, nous avons mené un travail d’analyse des dimensions collective et individuelle de la gouvernance et élaboré un référentiel. Deux associations portant respectivement un projet de supermarché coopératif et un écolieu ont étroitement coopéré à cette recherche. Avec une démarche de recherche-action, les investigations de terrain ont été menées suivant des approches ethnographiques et sociologiques.
Nous présentons tout d'abord une proposition de cadre analytique de la gouvernance des entreprises sociales, s’inscrivant dans l’approche épistémologique préconisée par Hufty (2016) pour étudier les problématiques de gouvernance. Partant d’observations empiriques, nous proposons une analyse des activités se déroulant dans un processus de gouvernance (Engeström, 2001). La modélisation du dispositif de gouvernance sous forme de « système », formé des groupes et leaders, permet de préciser la dimension collective ou individuelle des activités. Ces analyses ont abouti à un référentiel que nous avons expérimenté dans un processus de méta-gouvernance (gouvernance de la gouvernance, Hufty 2016). Nous montrons que cette expérimentation a permis de créer les conditions d’une appropriation de la problématique de la gouvernance par le collectif de l’écolieu et l’autonomisation de son usage.
Le référentiel proposé fournit ainsi à la fois une représentation interprétative de la gouvernance organisationnelle et un outil opérationnel de méta-gouvernance. En outre, il nous permet de proposer et de discuter un nouveau modèle de leadership basé sur le leadership « serviable » (Dierendonck, 2011), ainsi qu’un indicateur « d’horizontalité » de la gouvernance. Nous discutons également le rôle du chercheur dans le processus de méta-gouvernance. Enfin, si cette étude ouvre la voie à de nouveaux travaux concernant la gouvernance des entreprises sociales, elle comporte des limites que nous discutons. Par exemple, le processus de méta-gouvernance apporte des éclairages au collectif sur le rôle des leaders, ce qui peut provoquer des résistances chez ces derniers, voire l’échec du processus. En premier lieu, il apparait nécessaire de vérifier et consolider les résultats présentés sur d’autres terrains.
Angel V., Hermans J., 2016, “La dérive de mission :Questionnements et conceptualisation à partir du processus entrepreneurial,.”
Dierendonck D. van, 2011, “Servant Leadership: A Review and Synthesis,” Journal of Management, 37, 4, pp. 1228–1261.
Engeström Y., 2001, “Expansive Learning at Work: Toward an activity theoretical reconceptualization,” Journal of Education and Work, 14, 1, pp. 133–156.
Enjolras B., 2009, “A Governance-structure approach to voluntary organizations,” EMES Working Papers, 09/01.
Hufty M., 2016, “La gouvernance : polysémique, banale et neutre ?,” Studia Europae, LX1, 1, pp. 103–133.
Meier O., Schier G., 2009, “Quelles théories et principes d’actions en matière de gouvernance des associations ?,” Management & Avenir, 20, pp. 179–198.
Nyssens M., Defourny J., 2016, “Fundamentals for an International Typology of Social Enterprise Models,” ICSEM Working Papers, 33.
3. Governance, employment and human resource management