Session : Cette proposition de communication s’inscrit dans le cadre de la session 2 du colloque « Social innovation and social entrepreneurship ».
Etat de la recherche dans la littérature scientifique :
Dix ans après sa création, la chambre de l’économie sociale et solidaire genevoise, APRES-GE, compte plus de 270 membres. La définition suisse de l’ESS innove par son approche à la fois inclusive visant à n’exclure aucune structure juridique et évolutive : à côté des quatre critères contraignants d’adhésion (transparence, lucrativité limitée, autonomie, intérêt collectif), il existe trois autres critères dont l’environnement, le management social et la participation démocratique que l’organisation peut mettre en œuvre dans les deux ans suivant son adhésion. A l’heure des bilans, après une étude statistique approfondie (2015), quelles leçons tirer de cette expérience atypique ?
Dans une recherche précédente (Baranzini et Swaton 2013), nous nous interrogions sur les limites recencées à cette définition de l’ESS par la chambre genevoise, trois principalement que nous résumerons comme suit : la question inévitable du contrôle ; celle de la distinction entre critères choisis et subis, comme le temps partiel par exemple ou la lucrativité limitée ; celle de l’accompagnement. La deuxième a été partiellement écarté suite à l’étude statistique 2015, mais reste celle du contrôle et de l’accompagnement. Faut-il instaurer un label et, en échange ou en complément, proposer des prestations spécifiques aux membres comme des formations en gouvernance démocratique par exemple ? La question reste entière et peut aussi diviser à l’intérieur.
Argument : Le fait est que, une fois passée la période d’effervescence inhérente à la naissance puis à la stabilisation d’un projet comme celui de la création d’une Chambre tel que cela fut le cas à Genève, advient nécessairement une phase d’interrogation sur les prochaines échéances et la tournure à donner à cette évolution. En dix ans, rappelons que le nombre d’adhérents a décuplé. Les questions qui se posent dès lors au sein de la Chambre ont trait à l’échelle : faut-il rester petit ou croître ? Comment croître et changer d’échelle en atteignant le plus grand nombre d’autres entreprises du secteur privé lucratif sans perdre son identité et sans omettre le risque d’isomorphisme qui a touché bon nombre des structures de l’ESS (Swaton 2015) ?
Un deuxième fait à souligner est que d’autres entrepreneurs dynamiques émergent aussi en Suisse romande, se référant davantage au film Demain de Cyril Dion qu’à l’ESS proprement dite et se reconnaissant pourtant dans des pratiques économiques alternatives. Il nous semble étonnant que ce mouvement n’ait pas –encore-adhéré à la Chambre genevoise. Or, ce mouvement est moins celui d’associations que d’entreprises innovantes sur les plans sociaux et environnementaux. Il serait intéressant de comprendre comment ces nouvelles structures se positionnent par rapport à la Chambre de l’ESS et comment interpréter ce positionnement.
Méthodologie : Pour ce faire, nous procèderons à un recensement des initiatives constitutives de ce mouvement appuyé d’entretiens qualitatifs semi-directifs. Au niveau interprétatif, nous tenterons de questionner la légitimité d’un rapprochement entre l’émergence de ce mouvement d’entrepreneurs innovants et celle de l’évolution de la Chambre genevoise avec les limites précédemment évoquées : comment et pourquoi ces acteurs ne sont-ils pas –encore- membres de la Chambre ? Qu’est ce que cela nous apprend sur les motivations des acteurs, les partenariats institutionnels et sur les pistes de solutions concrètes envisageables pour changer ou pas d’échelle? En particulier, faut-il revoir l’approche par critères de la Chambre au bénéfice d’une approche par projet ?
Conclusions et pistes de recherches théoriques complémentaires :
D’un point de vue plus réflexif, au regard de l’évolution de la Chambre et des mouvements citoyens et entrepreneuriaux romands soucieux de mettre en œuvre la transition écologique, revendiquer une philosophie sociale de fond valorisant l’intention (la volonté de mise en œuvre de critères par l’adhésion et l’engagement à une Charte de valeurs) plutôt que les conséquences (et les résultats proprement dits), est-elle pertinente et théoriquement défendable ? En d’autres termes, une approche évidentialiste telle que la formule Jean-Pierre Dupuy (2011) pour sortir de ce qu’il nomme « l’économystification » est-elle toujours mobilisable ou faut-il se tourner vers une éthique sociale alternative ? C’est une dimension théorique critique dont nous tenterons également de rendre compte dans l’arrière-fond théorique de cette communication.
Références :
Baranzini L. et Swaton S. (2013). Définir la nouvelle économie sociale par les critères plutôt que par les statuts ? Une analyse théorique à partir des critères retenus en Suisse par APRÈS-GE, Cahiers du CIRTES pp. 53-68 .
Chambre de l’économie sociale et solidaire, APRES-GE. (2015). Panorama de l’économie sociale et solidaire genevoise - Etude statistique 2015.
Dupuy, J.-P. (2014). L'Avenir de l'Économie, Sortir de l'économystification. Paris: Poche.
Swaton, S. (2015). "La banalisation de l'économie sociale et solidaire". In Economie sociale et solidaire, Holcman (Dir), Paris: Dunod.
2. Social innovation and social entrepreneurship