(In French: "La propriété des coopératives d'épargne et de crédit kinoises: pouvoir et partage des gains de productivité")
Les coopératives d’épargne et de crédit sont des véritables acteurs dans le secteur congolais de microfinance. En effet, en tant qu’organisations d’économie sociale, ces dernières offrent de services financiers de proximité en R. D. Congo depuis plusieurs décennies. Mais elles connaissent des nombreuses difficultés notamment celles de gouvernance. Cependant, la plupart de ces difficultés sont inhérentes à leurs structures de propriété. Notre analyse de la propriété des coopec kinoises s’est donc basée sur la notion de droits de propriété. Celle-ci définit la propriété par la détention de deux droits résiduels : le droit au contrôle résiduel et le droit aux rendements résiduels. Le droit au contrôle résiduel représentant le pouvoir que détiennent les propriétaires d’une organisation de prendre des décisions la concernant si celles-ci ne sont pas spécifiées par la loi ou réservées à autrui par contrat (Milgrom et Roberts, 1992 ; Grossman and Hart 1986). Selon Hansmann (1996), le droit au contrôle résiduel donne non seulement le pouvoir résiduel de prise de décisions aux propriétaires mais aussi le pouvoir de surveiller le management afin d’éviter des comportements opportunistes. Le droit aux rendements résiduels donne le pouvoir aux propriétaires de bénéficier des surplus dégagés de l’activité après règlement de l’ensemble des charges (Milgrom et Roberts, 1992 ; Chaddad et Cook, 2002).
Lorsque l’on applique cette notion aux coopératives d’épargne et de crédit (coopec), il en ressort que, le pouvoir de décision et de surveillance au sein des organisations revient, théoriquement, aux membres[1]. Ces derniers exercent ce pouvoir à travers le droit de vote qui leur permet de participer aux grandes décisions prises au sein de l’Assemblée Générale (AG) des membres. (Regnard et Rousseau, 2012 ; Allam et Monier, 2010). De plus, l’affectation du profit réalisé ne se fait pas de la même façon que dans d’autres formes d’organisation. Ils sont généralement partitionnés et affectés dans différents éléments suivant les objectifs de l’organisation (réserves, ristournes, réinvestissement dans les activités, soutien d’un projet social, etc.). Cette réalité des coopec en matière de l’allocation et du fonctionnement des droits de propriété nous a conduit à nous questionner sur la situation du pouvoir et de son exercice dans les coopec kinoises mais également sur le partage de surplus dans ces structures.
Nos recherches empiriques nous ont conduits aux observations suivantes pour la question sur le pouvoir et son exercice dans les coopec étudiées : premièrement deux niveaux de pouvoir ont été identifiés dans ces coopec. Un premier niveau constitué des organes de gestion (AG, CA, CC, CS) composés des membres effectifs. Et le deuxième niveau, de la gérance. Deuxièmement, les pouvoirs de décision et de surveillance y sont détenus par les membres, les élus et les responsables de la faitière. Les bailleurs et les gérants n’ont qu’un contrôle partiel de ces structures car ne disposant que du pouvoir de décision. En outre, nous avons identifié la présence de quatre profils de pouvoir dans les coopec kinoises : : un premier profil où le pouvoir est concentré au niveau du CA ; un deuxième avec un pouvoir réparti entre les acteurs internes, particulièrement entre les membres de l’AG et les élus, un troisième profil où le pouvoir est réparti entre les acteurs internes-externes (Elus-Bailleurs) et un dernier profil où le pouvoir est réparti également entre acteurs internes-externes (Elus-faitière).
Pour ce qui est du partage de surplus, nous avons effectué des études de cas se basant sur la méthode de surplus de productivité globale. Ces études nous ont conduit aux résultats suivants : premièrement, les coopec étudiées présentent une certaine fragilité en termes d’activité notamment en matière de mobilisation de l’épargne à terme ; d’activité de crédit ; d’accès aux financements externes et de rentabilité. Deuxièmement, l’existence, au niveau global, des gains additionnels de productivité, cependant leur distribution est empreinte d’une forte volatilité. Et troisièmement, la répartition du surplus en faveur des salariés et des coopec à travers la Marge Brute d’Autofinancement.
L’analyse de la propriété des coopec kinoises que nous avons effectuée abonde en enseignements et contribue à enrichir la littérature dans le domaine de microfinance et plus particulièrement en ce qui concerne la propriété des coopératives d’épargne et de crédit.
Bibliographie
HANSMANN H. (1996), « The Ownership of Enterprise », Cambridge, MA/London: The Belknap Press of Harvard University Press.
HUDON M. et PERILLEUX A. (2014), "Surplus distribution and characteristics of social enterprises: Evidence from microfinance," The Quarterly Review of Economics and Finance, Elsevier, vol. 54(2), pages 147-157.
LABIE M., MERSLAND R. (2010), « Corporate governance in microfinance », In Beatriz Armendariz and Marc Labie, Eds, The Handbook of microfinance. London: Word Scientific Publishing.
MILGROM P. and ROBERTS J. (1992), “economics, organization and management”, Englewood Cliffs: Prentice-Hall.
[1] Spécifié par deuxième principe coopératif de l’AIC
7. Informal sector, popular economy, microfinance and development