Dans un article présenté en 2014 aux XIVe Rencontres du Réseau Inter-Universitaire de l'Economie Sociale et Solidaire, nous nous interrogions sur la frontière entre social enterprise et social business, au Cambodge.
Nous avions conclu que les entreprises se revendiquant du social business, tel que conceptualisé par Yunus (2012), entre autres auteurs, prend des significations assez différentes, selon les cas. Du simple respect du droit du travail, dans un pays où cette idée ne va pas de soi, à une conception beaucoup plus complexe et aboutie de l’entrepreneuriat social, proche de l’univers coopératif, tels que les development communities.
Nous avions relevé que ces organisations se définissaient à partir de leur activité. Et que l’objectif de ces activités (productives ou commerciales) était largement déterminé par le niveau d’engagement social des entrepreneurs et par les finalités de l’action sociale.
L’activité sociale de l’organisation : Une fin ou un moyen ?
Lorsque l’amélioration des conditions de vie des travailleurs constitue l’objectif même de l’activité, celle-ci s’articule comme support d’emplois et de revenus pour les salariés. Mais lorsqu’il s’agit d’améliorer la situation de clients consommateurs, en leur donnant accès à des biens ou des services dont ils étaient jusque-là privés, alors l’activité devient le but de l’organisation.
Les 2 modèles n’étant, par ailleurs, pas exclusifs l’un de l’autre, puisque l’on observe des structures hybrides qui cherchent à satisfaire ces deux objectifs.
Nous avons poursuivi notre travail empirique qui devrait aboutir à une étude d’une dizaine de cas d’entreprises sociales cambodgiennes, se revendiquant non pas de ce statut (puisqu’il n’y a pas à ce jour de définition légale claire de l’entreprise sociale ou social business, au Cambodge), mais de cette dénomination, à des fins que nous qualifions de variées .
En poursuivant le travail initié par Khieng (2013, 2014) et Lyne (2017), nous nous sommes penchés sur les raisons qui poussent les organisations, et plus particulièrement les entrepreneurs sociaux, à choisir cette voix, dans un cadre institutionnel privé (social business) ou du tiers secteur (sous forme d’ONG).
Les finalités des entreprises sociales : gratification non lucrative ?
« L’entrepreneuriat social part du principe que les individus peuvent trouver une sensation de gratification, de satisfaction, de réalisation de soi grâce à autre chose que l’argent » (Livre Blanc de l’entrepreneuriat social).
Afin d’étudier les critères qui déterminent les finalités de ces structures, nous avons identifié un ensemble d’organisations affirmant une vocation de « social business » ou de « social enterprise » et réalisé un travail d’enquête qualitative.
Les entretiens se poursuivent, grâce en particulier à la mobilisation du questionnaire, relativement exhaustif, développé par l’ICSEM. L’étude conduit à identifier plusieurs contenus de la mission sociale revendiquée par l’organisation.
Ce texte vise à rapprocher les pratiques des entreprises sociales et la justification de leur mission sociale, puis d’essayer de comprendre les moteurs qui conduisent à choisir l’entrepreneuriat social, comme modèle d’organisation.
Et de conclure sur : Le lien entre la pratique et la finalité des entreprises sociales repose-t-il sur une question de pertinence ou d’opportunisme ?
Références
Bañez-Ockelford, Jane et Catalla, AP Jr, (2010), Reflections, Challenges and Choices: 2010 Review of NGO Sector in Cambodia, Phnom Penh : Comité de Coopération du Cambodge.
Blanc Jérôme, Tortellier Bertrand, (2014), ONG, social entreprises et social business : le cas du Cambodge. XIVe Rencontres du Réseau Inter-Universitaire de l'Economie Sociale et Solidaire : "L'économie sociale et solidaire et solidaire en coopérations", May 2014, Lille.
Cooperation Committee for Cambodia, (2013), « CSO Contributions to the development of Cambodia 2012. Opportunities and challenges », Phnom Penh, CCC.
Defourny, Jacques et Kim, Shin-Yang, (2011), « Emerging Models of Social Enterprise in Eastern Asia : a Cross-Country Analysis », Social Enterprise Journal, vol. 7(1).
Khieng Sothy, (2014), The dawn of social enterprise? NGOs balancing between social value creation and profit-making in Cambodia, Vrije Universiteit.
Lyne Issac, (2017), Social Enterprise and Community Development: Theory into Practice in Two Cambodian Villages, PhD research project.
Tigé Anthony, (2013), « Survey on Social Business in Cambodia », July, PSE (Pour un sourire d’enfant), Phnom Penh.
Trannin Sabine, (2005), Les ONG occidentales au Cambodge : la réalité derrière le mythe, Paris : L’Harmattan (Points sur l’Asie).
Yunus Muhammad (2012), Pour une économie plus humaine : construire le social-business, trad., Le livre de poche.
1. Concepts and models of social enterprise worldwide