La littérature avance trois arguments majeurs qui pourraient justifier une spécificité de la qualité de l’emploi dans les associations. Si le premier soutient l’hypothèse de meilleures conditions de travail dans le secteur associatif en mettant l’accent sur le poids des « valeurs associatives » (e.g. Rothschild & Milofsky, 2006). Le second (le rôle des « incitants non monétaires » dans le cadre d’emplois impliquant un engagement social des salariés) défend l’existence de modèles différents mais sans impliquer une hiérarchie évidente (e.g. Borzaga & Tortia, 2006 ; Speckbacher, 2013). Enfin, le troisième argument souligne au contraire la faiblesse des marges de manœuvres financières des associations et leurs difficultés à apporter un cadre formel suffisant au dialogue social (e.g. Petrella et al., 2010).
Une littérature assez abondante s’est consacrée à l’analyse empirique des différences entre les trois types d’employeurs retenus -- entreprises à but lucratif (EBL), associations et organisations publiques (OP) -- mais elle s’est largement focalisée sur l’impact éventuel du statut de l’employeur sur les niveaux de rémunérations (par exemple Preston 1989 ; Ben-Ner, Ren & Paulson, 2011) et les spécificités des activités effectuées n’ont que rarement été prises en compte. La question des modèles de qualité de l’emploi spécifiques aux structures associatives est ainsi posée et nécessite de prolonger les réflexions quant à la distinction entre effets liés au statut et les effets liés, notamment, au domaine d’activité, au type d’emploi pourvu et au profil du travailleur. Le premier objectif de cet article est donc d’élargir ces travaux en s’intéressant à une vision plus large de la « qualité des emplois » tout en prenant en compte de manière précise les particularités des domaines d’activités. Le deuxième objectif est de centrer notre analyse sur le caractère plus équitable de l’environnement de travail des associations. En effet, plusieurs travaux postulent que les différences en termes de qualité d’emploi entre les travailleurs à haut statut et ceux à bas statut sont moins élevées dans les associations que dans les EBL (notamment, Benz, 2005 ; Ben-Ner, Ren & Paulson, 2011 ; Leete, 2000, 2006 ; Jeavons, 1994 ; Rothschild & Milofsky, 2006) mais les preuves empiriques sont, pour la plupart, manquantes.
Afin d’appréhender la qualité d’emploi, nous avons construits un faisceau d’indicateurs sur base 59 variables sélectionnés à partir de l’enquête « Conditions de travail 2013 ». Nous avons aussi bien utilisé des variables objectives que subjectives et avons considéré que 3 de ces variables représentaient des dimensions à part entière de la qualité d’emploi : le salaire horaire net, la durée hebdomadaire de travail, et le contrat de travail (CDI et titulaires de la fonction publique). Ensuite, nous avons mené une analyse factorielle exploratoire sur les 56 variables restantes afin d’en établir la structure, ce qui a permis de regrouper les variables en 12 dimensions/indicateurs. Le faisceau de 15 indicateurs ainsi construit va nous permettre de comparer la qualité d’emploi des travailleurs des EBL, des associations et des OP et de tester l’hypothèse d’un environnement de travail plus équitable dans les associations. D’une part, nous comparons les scores obtenus sur chaque dimension de la qualité d’emploi par les travailleurs en fonction du statut de leur organisation. D’autre part, nous menons plusieurs types d’analyses multivariées sur chaque indicateur de la qualité d’emploi. En conclusion, nos résultats permettent de rappeler et de confirmer plusieurs traits caractéristiques des relations d’emploi au sein du monde associatif (des rémunérations en moyenne plus faibles, des environnements de travail plus participatifs notamment) mais surtout de mettre en exergue le rôle central des domaines d’activités dans lesquels les associations (et les OP) sont présentes. En effet, le poids de la santé et plus encore du secteur médico-social imprime sa marque aux résultats « moyens » des associations. Ainsi, à domaine d’activité donné, les résultats obtenus par les secteurs associatifs (et dans une moindre mesure par les OP) semblent nettement positifs : des rémunérations qui n’apparaissent plus spécifiquement faibles (mais par contre moins dispersées), des conditions de travail légèrement moins pénibles et surtout des environnements de travail plus équitables et plus émancipateurs. Ces résultats sont de premières importances car ils soulignent que les spécificités des modèles d’emplois offerts par les associations comparativement à ceux des EBL et des OP varient en fonction des domaines d’activités et du profil des travailleurs et du poste pourvu.
3. Governance, employment and human resource management