D’une part, la question de la discrimination au travail fait l’objet d’une attention croissante. En effet, la féminisation du salariat est désormais manifeste bien qu’elle n’ait fait disparaître ni les inégalités salariales ni les formes massives de segmentation professionnelles. De même la croissance des mobilités internationales a favorisé, au niveau européen notamment, une diversification des origines nationales de la main-d’œuvre donnant à la question des inégalités de traitements entre salariés nationaux et étrangers une importance croissante. Enfin, plusieurs politiques publiques ont visé à favoriser l’insertion des personnes en situations de handicap sur le marché du travail sans pour autant mettre fin aux obstacles que ces dernières rencontrent.
D’autre part, trois arguments issus de la littérature économique et psychologique conduisent à penser que les associations ont des pratiques moins discriminantes que les entreprises à but lucratif (EBL) : leurs valeurs éthiques et sociales (e.g., Gibelman, 2000), le fait qu’elles attirent des travailleurs qui ont des motivations particulières (e.g. Besley & Ghatak, 2005 ; De Cooman et al., 2011) et la nature hybride de leurs ressources financières (e.g., Leete, 2000).Un nombre conséquent d’études empiriques ont permis de démontrer la présence de moins d’inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans les associations et les organisations publiques (OP) que dans les EBL (e.g.; Etienne & Narcy, 2010; Leete, 2000). Néanmoins, ces résultats ne suffisent pas à démontrer que les associations adoptent toujours des pratiques moins discriminantes que les EBL puisqu’ils peuvent être expliqués par la politique salariale spécifique des associations (voir notamment la théorie du don de travail) ou encore par la présence des associations sur des domaines d’activité dominés par les femmes.
Cet article a donc pour objectif de compléter cette littérature empirique en comparant le niveau de discrimination entre EBL, OP et associations sur une série de pratiques managériales (l’embauche via la proportion de salariés concernés, le salaire horaire et enfin l’accès au statut cadre et aux professions intermédiaires) et pour différents types de population (les femmes, les personnes d’origines étrangères et les personnes souffrant d’un handicap) à l’aide de statistiques descriptives et d’analyses multivariées.
Les résultats confirment la situation désavantagée des trois populations étudiées. Tant les femmes que les salariés nés en dehors de l’UE15 ou les personnes en situation de handicap connaissent inégalités de traitements sur les trois pratiques managériales testées. Ces désavantages sont nettement marqués et se retrouvent globalement et indépendamment du statut de l’employeur (seuls l’accès aux postes de cadres pour les travailleurs handicapés dans les associations échappe à ce constat).
Pour autant des différences apparaissent entre les trois types d’employeurs. Dans la plupart des cas, les associations semblent adopter des pratiques moins discriminantes : comparativement aux EBL, la pénalité salariale subie par les femmes et les étrangers est sensiblement plus faible. De même, ces structures garantissent un meilleur accès à l’emploi aux femmes et aux travailleurs handicapés. Plus encore, elles permettent un meilleur accès aux fonctions d’encadrement tant pour les étrangers que pour les travailleurs handicapés. Seulement trois situations s’écartent de ce schéma: l’accès des femmes aux postes d’encadrement, le salaire horaire des personnes handicapées et le pourcentage de salariés étrangers embauchés. Dans le premier cas, ce sont les OP qui garantissent de manière significative des promotions plus fréquentes pour les femmes (les règles spécifiques d’accès au statut cadre jouent assurément un rôle). Dans le second cas, il convient de souligner le fait que la majeure partie des salariés handicapés le sont dans des associations dont la mission principale consiste à favoriser l’insertion de ces travailleurs, ce qui pourrait justifier un salaire plus faible. De manière plus générale, l’hypothèse d’une moindre discrimination au sein du secteur non marchand (et particulièrement des associations) est largement confirmée. Ce résultat est d’autant plus important qu’il est observable et significatif pour les trois catégories de populations étudiées et pour la plupart des pratiques managériales analysées. Ces résultats ont des implications non négligeables en matière de politiques publiques. En effet, face au défi majeur que constitue la réduction des inégalités d’accès aux emplois et aux postes à responsabilité, les acteurs de l’économie sociale constituent non seulement des leviers d’action mais également des exemples de bonnes pratiques à diffuser. Du côté de ces structures, ce comportement vertueux peut être également considéré comme un apport à l’utilité sociale qui justifie les soutiens publics dont elles bénéficient.
3. Governance, employment and human resource management