L'intervention est centrée sur l'apport que peuvent représenter pour la recherche sur les entreprises sociales les épistémologies du sud se caractérisant par deux concepts : la sociologie des absences et la sociologie des émergences.
L'épistémologie du Sud peut s'avérer pertinente parce qu'elle renonce au monopole "des visions dominantes de la modernité occidentale" pour intégrer "des versions subalternes et réduites au silence" (Sousa Santos, 2011), ce qui passe par une sociologie des absences et de émergences. La sociologie des absences consiste en une enquête dont le but est d'expliquer que ce qui n'existe pas est en fait activement produit comme non existant, c'est-à-dire comme une alternative non crédible à ce qui existe. La sociologie des émergences concerne pour sa part les alternatives contenues dans l'horizon des possibilités concrètes. Elle étend le présent en ajoutant à la réalité existante les possibilités réalistes futures et les espoirs que ces possibilités suscitent. L'enjeu est d'accroître symboliquement l'importance des connaissances, des pratiques et des acteurs en vue d'identifier les tendances du futur.
L'épistémologie du Sud ne témoigne pas d’une récrimination en faveur d’une quelconque région du monde. Il est indispensable d’écarter d’emblée un malentendu : le Sud n’est pas une entité géographique. Il s'agit plutôt d'une métaphore de la souffrance humaine causée par l'ordre mondial dominant et une valorisation des résistances qu'elle génère. Repenser la justice globale et l'émancipation sont des tâches qui concernent toute la planète et ne sauraient être abordées comme la préconisation d’une voie unique, contre-projet symétrique de ce que voudrait être aujourd’hui le néolibéralisme.
S’éloignant de cette posture convenue, la sociologie des émergences suggère d’étudier les potentiels émancipateurs d’une grande diversité de pratiques alternatives qui naissent dans un système à dominante capitaliste, selon les termes de Marcel Mauss (1987). Même si elles sont sans cesse guettées par la marginalisation ou la récupération, elles n’en indiquent pas moins que, pour reprendre la célèbre formule du Forum social, « un autre monde est possible » et il est déjà présent dans une multiplicité d’expériences, fragiles certes mais aussi utopiques et réalistes. Il s’agit de dépasser l’herméneutique du scepticisme pour ne plus mépriser les initiatives qui combattent l’hégémonie capitaliste en faisant valoir dans la difficulté des logiques de réciprocité, d’égalité et de solidarité.
1. Concepts and models of social enterprise worldwide